"Le Premier Regard"
bureau
Juillet 2003

cliquez sur les images pour les agrandir et avoir accès aux explications contextuelles.

Genèse du projet :

Ce projet est né à partir de la demande de Jean-Marc Pichat, de la galerie "Juste à Côté" à Lyon, de réfléchir à un bureau sculpté intégrant 2 caissons de 2 tiroirs dans des dimensions de l'ordre de 190 x 110, avec une forme "patatoïde".Le temps de retourner à l'atelier et je me mets au travail sur une maquette d'intention au 1/10ème qui sera acceptée par le client.

Le projet est lancé.

La maquette d'intention au 1/10ème.

Conception

Approche technique :

Immédiatement les difficultés techniques s'imposent : il s'agit d'intégrer des tiroirs de grandes dimensions dans une forme en bois massif curviligne, complexe, en faisant appel à un type de construction inédite en ameublement, tout en respectant les règles de confort et d'ergonomie.

Le plateau devra être agrandi pour ménager un espace vital satisfaisant, il sera donc finalement porté à 230 x 105.

Pour le piètement, la quantité de matière à approvisionner est très importante (environ un m3 de bois). Toutes les pièces devront provenir de la même bille pour éviter les disparités de couleur et d'hygrométrie.

Seulement comment choisir ? Certains paramètres sont évidents : les plateaux devront être les plus épais possible (80 mm en sycomore), d'autres sont moins immédiatement perceptibles : les parties les plus visibles devront se placer dans les dosses et contre dosses, les planches de coeurs auront des zones exploitables nécessairement moins larges, etc.

Il est alors indispensable, à partir de la modélisation au 1/5ème, d'établir une nomenclature exactes de toutes les pièces, avec un dimensionnement et un code d'identification, et de préciser dans quel type de planche elles seront réalisées.

Au total plus de 150 pièces seront ainsi définies.

Aussitôt l’approvisionnement effectué chacune de ces pièces sera positionnée au mieux dans la bille après examen du bois pour éliminer les défauts, les nœuds, les taches, etc. Le bois sera immédiatement pré débité pour libérer les tensions internes, puis stocké pour permettre d’éventuelles déformations avant usinage.

Il convient de réaliser une modélisation très précise, en partie sur plan,  
mais surtout grâce à une maquette volumique à une échelle exploitable (1/5ème)  
qui permettra d'une part de résoudre l'ensemble des complexités, mais aussi d'évaluer les besoin en bois massif. 

Préformes

Mode opératoire :

Parallèlement à ce premier aspect il s’agit d’élaborer une stratégie pour optimiser la construction et limiter les risques d’erreur.
La base de cette stratégie est d’articuler toute la construction autour des logements de tiroirs pour que ceux-ci soient parfaitement ajustés et aient un fonctionnement irréprochable, leur façade se doit d’être massive puisqu’elle sera partie intégrante de la forme sculptée.

Je décide donc de concevoir deux gabarits d’assemblage pour réaliser par collage toute la partie centrale des caissons qui délimite les logements de tiroirs.

Les tiroirs sont construits en parallèle et immédiatement mis en place.

Les façades et les parties arrières seront rapportées ultérieurement, la raison en est que cela permettra une première ébauche de forme dans les zones
« sensibles » (celles où les épaisseurs sont limitées) en se ménageant une possibilité de contrôle visuel pour ne pas passer à travers.

Le bois peut alors être calibré et usiné pour réaliser les empilages

Les gabarits d'assemblage des préformes
Un empilage "raisonné", pour un demi-caisson.
Rectification des plans de collage pour assembler les 2 demi-préformes.
Collage de la préforme complète.
Les tiroirs et leurs façades massives sont intégrés aux caissons.
Et ça marche !...
La façade reçoit une dernière couche massive pour intégrer les façades de tiroirs avec des jeux limités et des fils harmonieux

Sculpture

Ebauche des caissons :

Préalablement à la sculpture proprement dite, les façades de tiroirs ont été habillées en ménageant les jeux fonctionnels minimum. Cette étape franchie, les principales courbes de référence ont été tracées sur les pièces.

Le dégrossissage du corps des caissons a pu alors débuter en ayant à tout moment une possibilité de contrôle visuel des épaisseurs disponibles.
Durant toute cette phrase il a fallut aborder les volumes en extrapolant les fuyantes arrières pour éviter les discontinuités dans les courbes des formes finales.

A ce stade ce qui est recherché n'est pas la perfection des formes, mais plutôt une dynamique d'ensemble conforme à l'idée originale. Le piètement n'est donc pas du tout abordé puisqu'il doit raccorder en grande partie en relation avec la façade d'une part, et avec les fuyantes arrières d'autre part.
A l'issue de cette phase les empilages destinés aux parties arrières sont présentés et dégrossis avant collage, toujours pour pouvoir vérifier les épaisseurs lors des raccords de forme, et également pour en évider les intérieurs après sculpture de l'ébauche.

Mise en évidence des courbes de référence.
Contrôle des épaisseurs disponibles
Premier lissage des formes.
Présentation des parties arrières.
Mise en forme et continuité des raccords.

Définition de formes :

Les raccords de formes ayant été effectués sur les parties arrières, les pieds sont alors dégrossis puis sculptés avec une attention particulière à la continuités des fuyantes qui rythment la forme.

Il est temps (enfin !) de se consacrer aux façades de tiroirs et à l'intégration des poignées.

Les états de surface sont réalisés avec soin ce qui est l'occasion des derniers lissages des courbes et des galbes.
A l'issue de ces ponçages successifs qui font appel à des granulométries d'abrasifs de plus en plus fines le travail de forme est achevé et les pièces sont prêtes à recevoir 3 à 4 couches de vernis selon les endroits.

 
Raccord des caissons avec leurs pieds
Lissage général de la forme avant de finaliser la façade.
Contrôle de la cohérence des formes.
Mise en forme des façades et intégration des poignées.
Et contrôle à nouveau,
Sous des angles parfois surprenants...

Le plateau

Le plateau, pour sa part, ne pouvait pas être réalisé avec du bois massif à cause des risques de déformation inhérents à sa taille et à l’emploi de sycomore, bois dur et nerveux.

La solution retenue a été un noyau très stable (multipli de 30mm), ceint de larges alèses massives aux rayons médullaires alternés assemblées par coupe d’onglets, collage et lamelles internes.

Le tout a été re-plaqué par collage sous vide avec des multiplis sycomore de 20/10ème pour créer une structure sandwich, puis usiné pour créer le profilage.

Retouche et grille de reproduction du dessin initial.
Réalisation d'un gabarit à l'échelle 1
Présentation des alèses.
Assemblage et collage des alèses.
Collage des peaux sous vide.
Le plateau terminé.

Finitions :

Avant de transférer les pièces en cabine pour le traitement de surface il faut procéder à un premier montage.
Le plateau est donc présenté sur le piètement. La position exacte des caissons est déterminée pour trouver le meilleur compromis entre l'équilibre esthétique, la stabilité et l'ergonomie (espace vital et accessibilité des tiroirs en particulier). Les liaisons par inserts et boulons sont mises en place et validées.

Le traitement de surface consiste en des applications successives de couches de vernis au pistolet, entrecoupés d'égrenages avec des abrasifs de plus en plus fins.
Le bois révèle alors sa couleur finale et ses veinages, l'ultine opération consiste en un satinage mécanique pour conférer aux surface une qualité "high touch".

La pièce est prête pour la livraison

Première présentation en atelier.
L'emplacement définitif des caissons est déterminé.
Et vérifié sous divers angles.
Les caissons vernis.
Détail des façades.
Les préformes transparaissent.

L'installation sur site :

Le transport et le montage sur site sont l'occasion d'un dernier stress, mais une fois ceux-ci effectués il est enfin temps de prendre du recul au terme de deux mois de concentration et d'attention constante.

Et finalement pour moi, malgré toutes ces heures passées à scruter, c'est enfin le temps

du Premier Regard.

Le Premier Regard...
A peine le temps de découvrir...
Le temps du détachement.